Le dossier thématique

Interview avec Romane Zeli, Paris Basketball

1. S’adapter au contexte particulier de 2020

L’année 2020 a été forcément très particulière. Comment vous êtes vous adaptés pour proposer des solutions intéressantes et innovantes à vos supporters et à vos partenaires ? 

La pandémie nous a en effet poussé à nous réinventer, car nous ne pouvions plus fournir de prestations physiques à notre public et nos partenaires. Nous avons du coup essayé de leur proposer des services les plus inclusifs possibles à distance, pour maintenir le lien entre le club et eux mais également entres partenaires et/ou supporters. Au-delà d’un aspect de compensation, c’est vraiment la perte de lien que nous avons craint. De ce fait, nous avons mis en place différents « produits » :

  • Pour les supporters, un « pass inside » leur permettant d’accéder à une conversation Whatsapp avec le club sur les rencontres à domicile, avec une prise de parole de joueurs et du staff sportif, des informations en temps réel, des offres boutiques etc.. Les supporters peuvent répondre sur cette conversation et ont même l’opportunité de poser des questions en conférence de presse.
  • Pour les partenaires, des meeting digitaux sous différents formats de façon régulière : des speed meeting business (échange entre 3 partenaires et un membre du club), des moment d’échange avec les joueurs, des conférences sur des sujets précis animés par des experts.

Nous avons également poursuivi le développement de nos réseaux sociaux pour informer en continu notre audience sur le club.

2. L’utilisation de Twitch

La diffusion de contenus et des matchs sur Twitch sont devenus partie intégrante de votre stratégie. Quelles ont été vos motivations initiales pour aller sur cette plateforme et quelle stratégie mettez-vous en place pour maximiser son efficacité ?

Nous avons fait un premier test sur Twitch le 8 mai 2020, qui devait être notre dernier match de championnat. Nous l’avions transformé en un temps d’échange avec les joueurs sur Instagram, puis l’affiche du match (Paris vs Poitiers) joué sur NBA2K avec des équipes composées d’influenceurs Twitch et d’acteurs proches du club. Les audiences étaient intéressantes, et surtout différentes de la cible que l’on touche actuellement.

C’est une plateforme qui commence à être utilisée pour des contenus sports autre que Esport (exemple de l’OM) car c’est un public différent des autres réseaux.

La LNB s’y est également intéressée, et nous avons eu l’opportunité de pouvoir travailler avec eux pour proposer nos matchs à domicile sous un format un peu décalé sur Twitch : il ne s’agit pas d’un duplicata de ce qui est diffusé sur LNB.TV, avec une expertise très basket, mais plutôt d’un programme de divertissement autour du basket, animé par des influenceurs habitués à cette plateforme. L’objectif est de sortir du format classique pour montrer que le basket français est un produit attractif pour toutes les générations.

3. La mise en place d’une stratégie sur les réseaux sociaux

 Quelle stratégie avez-vous mis en place sur les réseaux sociaux et comment réussissez-vous à augmenter votre influence ?

Notre stratégie sur les réseaux a été établie avec notre agence de communication, avec une stratégie propre à chaque réseau. Globalement, le ton est assez urbain, et s’adresse à un public qui aime le basket mais pas seulement. Le constat a été fait que la majorité connaissait la NBA, jouait sur les playgrounds, mais n’avait jamais mis les pieds dans une salle de basket français. C’est autour de ce constat et en surfant sur la « hype » du basket et de Paris que nous avons construit notre stratégie réseaux sociaux. Cela s’est traduit par un accroissement assez important de notre base de followers.

Nous avons la chance d’évoluer dans un sport qui s’associe très facilement à la musique, à la mode, qui est dynamique et parle à toutes les générations, dans une ville qui a un rayonnement mondial. L’association de ces éléments et le respect des codes de communication propres à chaque réseau nous permet de développer notre influence digitale.

4. L’esport

Le Paris Basketball a décidé de travailler sur le sujet du esport. Pourquoi et pour quels résultats aujourd’hui ?

L’Esport s’est particulièrement développé ces dernières années partout dans le monde. Nous observions cela sans vraiment savoir comment se projeter en lien avec le Paris Basketball. La scène Basket dans l’Esport est dominée par NBA 2K, mais reste relativement faible en Europe, bien qu’elle se développe.

Nous avons eu l’opportunité de nous associer à des spécialistes du domaine qui ont proposé de nous accompagner dans la stratégie et le management d’une équipe 2K, afin de découvrir les compétitions européennes et de se faire un nom sur cette scène. L’équipe performe aujourd’hui et, au-delà des compétitions, nous travaillons sur différents projets avec eux sur des opérations plus ponctuelles qui devraient voir le jour d’ici la saison 2021-2022.

5. L’expérience utilisateur

Au-delà de toutes ces initiatives pour animer votre communauté en ligne, vous accordez beaucoup d’importance à l’expérience spectateur le jour de match. Que proposez-vous aujourd’hui ? Et comment travaillez-vous sur le projet de votre future enceinte pour d’ores et déjà imaginer la fan expérience de demain ?

La dépendance aux résultats sportifs est toujours délicate pour un club de sport, bien qu’elle soit inévitable. Nous essayons de proposer un spectacle au-delà des joueurs sur le terrain de façon à ce que le public puisse passer quoi qu’il advienne un bon moment. Pour cela nous développons différentes approches :

  • L’ensemble de nos matchs sont des matchs à thème (Nouvel An Chinois, Women’s Night, Green Game..) avec des animations dédiées. Les thèmes sont plus ou moins développés mais, pour illustrer avec un exemple en particulier, le dernier de match de la saison est un match dédié aux fans, sur l’exemple de ce qui se fait en NBA. Sur la première saison (l’an passé, le match a été annulé pour cause de pandémie), nous avions fait venir un barber en tribune, il y avait des jeux autours du terrains de type bubble foot, les joueurs ont offert leur maillot à des personnes du public, etc.
  • Nous développons les animations terrains en faisant participer le public ou en leur offrant un spectacle. Nous avons développé un portefeuille de partenaires spécifiques pour ces prestations.
  • Le club propose 4 types de sièges bord terrains : VVIP (premier rang bord terrain) – Blackseat (autres sièges bord terrain) – Jack Nicholson Seat (siège en prolongement du banc des joueurs) – Golden Seat (canapés à l’angle du terrain avec une prestation boisson)
  • Enfin, nous avons pris le parti de développer un espace VIP d’après-match un peu particulier : à défaut de petits fours champagne, nous avons mis en place un afterwork avec street food, DJ, table de ping pong et panier de basket afin de rencontrer l’ensemble des joueurs dans un endroit plus cosy et informel.

Tout ce qui est mis en place aujourd’hui a pour objectif de faciliter la transition vers la future enceinte à Porte de La Chapelle, qui est construite sous des standards de fan expérience NBA, adaptés à la culture parisienne. Tout l’aspect parcours client sera optimisé, pour que le spectacle soit décuplé pas seulement sur le terrain !

L’avis de la Sportech

Les outils numériques au service des éducateurs
Entretien avec Cédric Messina, CEO et co-fondateur de MyCoach

Les infos du mois

A l’international

Les Brèves

  • Face à l’annulation de nombreuses compétitions sportives, les documentaires centrés sur les athlètes peuvent-ils remplacer le spectacle sportif ? Ce type de séries documentaires connait de gros succès, à l’instar de la série The Last Dance, consacrée à la dernière saison aux Chicago Bulls de Michaël Jordan, visionnée plus de 24 millions de fois sur Netflix à travers le monde.
  • La LNB innove en proposant cette saison la diffusion sur Twitch de tous les matchs à domicile du Paris Basketball, sur la chaîne de la LNB (lire l’interview ci-dessus de Romane ZELI pour en apprendre plus).
  • L’ASSE Coeur-Vert a profité des fêtes pour organiser un arbre de Noël digital pour 40 enfants hospitalisés.
  • Dans la continuité de ce projet social, le football professionnel français continue de se mobiliser, via les réseaux sociaux, pour des causes solidaires : soutien des restaurateurs et des soignants en cette période de covid, mobilisation contre les violences faites aux femmes, Téléthon, etc. Les réseaux sociaux permettent aux clubs de mobiliser avec force leurs fan bases !
  • En LNH, la Team Chambé a lancé l’opération #OnVousRamèneAuPhare pour ramener ses supporteurs au stade, du moins virtuellement.

Un peu de lecture

Du sport à volonté, Stratégies

En complément de l’offre proposée en diffusion linéaire, des ayants droit et pure players digitaux diffusent des contenus audiovisuels en ligne. En France, ce marché n’en est qu’à ses balbutiements mais interroge sur le modèle économique actuel des diffuseurs télé.

L’article ici

Rétrospective 2020 : retour sur les grands enjeux de l’esport, Level 256

Pour bien commencer l’année, Level 256 vous dresse un panorama des grands enjeux et évolutions qui ont fait l’esport en 2020 pour mieux comprendre les tendances de 2021.

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Numbers, knowledge and better set pieces : a view into soccer’s future, The New-York Times

F.C. Midtjylland’s search for competitive advantage has made it a place where ideas emerge. The problem is pretty soon everyone else has them, too..

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Sport et publicité : comment repousser les limites ?, L’observatoire du sport business

La publicité a toujours eu un poids important dans le sport. Initialement uniquement liée à la logique de sponsoring, elle a vu son business model changé par les droits TV. Ou quand la publicité dans le sport devient « advertising »…

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Regarder du sport en direct est devenu l’exception et non plus la règle, News Tank Sport

Qu’il s’agisse de « quasi-direct », de contenus générés par les fans ou les athlètes ou encore de résumés de matchs, les contenus médias alternatifs au direct ont explosé. Avec la crise sanitaire et le confinement, les audiences des finales de la NBA ou de l’US Open ont par exemple chuté d’environ 40 % cette année.

L’article ici

Podcast « Le Tremplin Sport », Le Tremplin

Pour son deuxième épisode de la série « Tendances Sport & Innovation », Le Tremplin a accueilli Adrien ROUSSEAU, responsable de la cellule innovation de la LFP. Il y aborde notamment la nécessité de rassembler des clubs professionnels, des entrepreneurs, des chercheurs et des porteurs de projets pour faire émerger de nouveaux projets innovants ainsi que les passerelles possibles entre sport virtuel et sport réel.

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L’étude du mois

Deloitte a publié une étude sur les grandes tendances du sport pour 2021, identifiant 3 axes majeurs de réflexion, parmi lesquels la redéfinition de la relation avec les fans et l’adaptation des revenus traditionnels aux nouvelles générations. Pour ces deux points, la maîtrise des plateformes et solutions digitales s’avère indispensable.

Le tweet du mois

Alors que le match de FA Cup entre Tottenham et le Marine FC, club de 8ème division britannique, devait se jouer à huis clos, crise sanitaire oblige, les supporteurs Lilywhites se sont plus mobilisés pour compenser les pertes financières. Résultat : plus de 30 000 billets virtuels ont été vendus, un record de spectateurs pulvérisés et des milliers de livres sterling récoltés !

Du côté du esport

  • Le Coq Sportif devient partenaire officiel et équipementier de GameWard, équipe française esport et vice-championne de France de League of Legend.
  • La FormuleE lance son championnat virtuel : 6 événements, de nouvelles fonctionnalités, un prize pool à 100k€ et un essai dans une vraie formule E pour le gagnant !
  • A l’occasion du Giving Tuesday, la Maison de l’Esport a accueilli le stream caritatif de l’ONG Play International qui milite dans l’éducation par le sport dans des pays en guerre et pauvre. Plus de 40 sportifs & sportives ont répondu à l’appel.
  • L’esport a été intégré en tant que pratique officielle au programme des Jeux asiatiques de 2022 de Hangzhou (Chine), une avancée énorme pour la reconnaissance de la discipline.
  • La e-Handball Cup, compétition de gaming entre les 30 clubs professionnels de la LNH, a vu sa première édition se terminer par la victoire du HBC Nantes, représentée par Dragan Pechmalbec.
  • La LFP a lancé deux tournois d’esport sur FIFA, en s’associant avec les équipes d’UniTeam : la eLigue 1 Open, à destination des joueurs amateurs, et la eLigue 1, à destinations des joueurs FIFA professionnels et semi-professionnels.

Le Thème Hors sport

Les textiles intelligents

L’industrie textile est un des premiers secteurs à avoir subi les effets de la mondialisation, dès les années 80 : les processus productifs se sont délocalisés, notamment en direction de l’Asie. La mise en concurrence internationale a résulté en la disparition des deux tiers des entreprises du secteur en l’espace de 40 ans, traduisant la tendance à la concentration de la production de textiles.

Cette mise en concurrence généralisée a poussé les industriels du textile à innover, afin de se transformer et s’adapter à un environnement nouveau. En particulier, depuis 1960, le marché des textiles techniques a crû 5 fois plus vite que le textile traditionnel, à tel point que près du tiers des fibres consommées par l’industrie textile mondiale sont aujourd’hui des fibres chimiques. La dynamique du secteur des textiles techniques est en continuelle croissance, particulièrement en France, qui se place au deuxième rang européen derrière l’Allemagne.

Un textile technique est constitué de fibres dites techniques, ou synthétiques, par opposition aux fibres naturelles. Ces fibres lui apportent des caractéristiques précises, pensées et choisies pour une ou des applications bien déterminées (conductivité, résistance thermique, isolation, etc).

Aujourd’hui, le secteur du textile vit une nouvelle révolution avec le textile dit « intelligent », capable de protéger, soigner et faciliter la vie de ses utilisateurs de diverses façons. Il se traduit par une multiplication de partenariats entre entreprises à fort potentiel technologique et experts en fibres, afin de créer de nouvelles fibres hautes performances. Ses possibilités applicatives possibles sont immenses.

Qu’est-ce qu’un textile connecté ?

La révolution des objets connectés (ou IoT, Internet of Things) est devenue courante depuis quelques années, s’appliquant dans de nombreux domaines. Le secteur du textile n’y fait pas exception, avec l’apparition du textile connecté.

Un textile est un matériau multicouche formé de fils qui s’entrecroisent, eux-mêmes formés de plusieurs fibres ou matériaux. Pour transformer un textile en un textile connecté, il est donc nécessaire de l’équiper de plusieurs systèmes technologiques :

  • Une source d’énergie : soit directement apportée par une pile, soit par récupération locale d’énergie (photovoltaïque, éolienne, dynamo, etc.)
  • Des capteurs, qui permettent d’obtenir les informations désirées sur le porteur et son environnement (rythme cardiaque, température, etc.)
  • Un actuateur, ou actionneur, qui permet d’interagir entre le porteur et l’environnement.

« Un actionneur est un objet qui transforme l’énergie qui lui est fournie en un phénomène physique qui fournit un travail, modifie le comportement ou l’état d’un système. Dans le cas d’un textile, il peut s’agir par exemple d’un moteur qui change la forme ou la couleur de ce textile »

  • Un micro-processeur, doté d’un algorithme et d’une base de donnée permettant le traitement du signal
  • Un éventuel dispositif de communication avec un appareil électronique extérieur, par Bluetooth par exemple
  • Des systèmes de conductions et de transfert d’énergie ou de donnée

Le procédé de transformation d’un textile en textile électronique par ajout est ainsi complexe, d’où l’intérêt croissant pour le développement de fibres connectées. Le projet européen PowerWeave travaille par exemple sur le développement d’un fil qui récolte et stocke l’énergie électronique dans sa matrice fibreuse. L’objectif est de répondre au besoin d’alimentation électrique facilement stockable et transformable, en travaillant sur la connexion entre des fibres batterie et des fibres photovoltaïque : alors, le téléphone pourrait être branché directement sur son t-shirt qui jouerait le rôle de chargeur !

Un autre défi est l’utilisation de fibres textiles pour produire directement des composants électriques : les fibres embarqueraient ainsi directement la donnée et deviendront « communicantes ». L’entreprise allemande ZSK vend par exemple des machines qui intègrent des puces électroniques au moment de la broderie des tissus. À ce jeu, la technologie Radio Frequency Identification (RFID) est en plein essor dans les milieux industriels et présente un potentiel immense« Les puces RFID sont aujourd’hui très répandues, cinq milliards ont déjà été déployées. Logées dans les étiquettes, elles permettent par exemple de tracer en direct tous les produits qui en sont équipés, elles permettent également d’éviter de mélanger des produits différents ou encore d’authentifier un produit et son origine. Dans les magasins, on peut également les utiliser pour gérer les stocks ou faire des inventaires en temps réel. Etant donné leur petite taille, ces puces peuvent être incorporées sans problème dans un tissu, mais la quantité d’informations qu’elles peuvent contenir est limitée » (Brechts Demedts, chercheur en fonctionnalités textiles chez Centexbel, centre belge d’expertise et d’innovation pour l’industrie textile)

Les domaines d’application des textiles connectés sont d’ores et déjà très nombreux…

  • Les métiers manuels présentent un fort potentiel d’utilisation de capteurs. Par exemple, un vêtement professionnel capable de mesurer la pénibilité au travail, avec les données de posture de l’employé, permettrait de répondre à l’obligation de prévention de la pénibilité au travail. De même, certains métiers à risque bénéficieraient de la transmission des informations corporelles à leur environnement grâce à un vêtement de protection connecté : tenues anti-feu ignifugées pour les pompiers, vêtements avec chauffage intégré pour les activités extérieures en hiver, mesure de l’état de fatigue et détection de signes de déshydratation, etc.
  • Le secteur de l’habillement investit également dans les vêtements connectés : par exemple, la veste connectée de Levi’s et Google permet de contrôler certaines applications de son smarphone en touchant ou tapotant sa veste. La fonction géolocalisation des jeans permet quant à elle, par vibration sur le côté droit ou gauche, d’indiquer la direction à prendre au cours d’un trajet programmé. Enfin, les maillots de bain dotés d’un capteur mesurant la dose d’UV au soleil permettent de signaliser à leurs utilisateurs quand mettre de la crème solaire.
Le textile connecté au service de la santé

Enfin, un des domaines pour lequel les textiles intelligents pourraient induire les plus grands bénéfices est celui de la santé : suivi ou traitement de maladies, enregistrement de paramètres médicaux, sport santé, etc. Selon le ministère de l’industrie, les textiles techniques à usage médical représentent 10% de la consommation mondiale (22 millions de tonnes) et 6% en valeur (6 milliards d’euros). Ce secteur fait partie des domaines d’application les plus dynamiques, donnant lieu à de nombreux projets de recherche.

Le monitoring est particulièrement utile dans le domaine de la santé. Ainsi, le laboratoire GEMTEX travaille sur une ceinture ventrale pour femmes enceintes, qui détecte les mouvements fœtaux. Des bonnets permettent également de faire l’électro-encéphalogramme pour détecter le risque d’épilepsie par exemple. Personnes âgées, sportifs, personnes atteintes de maladies diverses… les capteurs peuvent fournir des données d’intérêt pour des publics très larges. « Nous sommes au dernier stade avant commercialisation sur certains produits, notamment les textiles qui traitent l’adénocarcinome, un cancer de la peau, traité par photothérapie », estime Guillaume Tartare, chercheur à l’école d’ingénieurs textile de Roubaix (ENSAIT).

Pour aller plus loin, il est intéressant de coupler les textiles intelligents avec les objets connectés. Cela permettrait alors un monitoring quotidien de personnes à l’extérieur des infrastructures de santé. Par exemple, un vêtement connecté de fibres fonctionnelles, qui mesurent directement le rythme cardiaque ou le cycle respiratoire du porteur, pourraient permettre d’identifier les risques d’AVC chez ses utilisateurs. En poussant le raisonnement, il serait également possible d’avertir les secours en cas de problème de santé important, permettant la prise en charge rapide des personnes à risque.

Des vêtements constitués de textiles intelligents et bardés de capteurs pourraient surveiller la santé d'une personne où qu'elle se trouve et prévenir les secours en cas de problèmes. © Stepan Gorgutsa, université Laval

 

Enfin, le domaine du fitness et bien-être, à l’intersection entre les secteurs de la santé et du sport, présente un potentiel immense. Il permettrait de toucher un très large public et constitue une des principales portes d’entrée de la démocratisation des vêtements connectés, en témoigne le reportage ci-dessous, paru sur France 3 en 2018.

Le sport, vecteur d’innovation

Au-delà du sport-santé, le secteur sportif est au centre des innovations en matière de textile intelligent puisqu’il offre un milieu hautement concurrentiel, capable d’efforts financiers, propice à l’expérimentation et demandeur d’applications très spécifiques. Le textile innovant présente l’avantage d’être adaptable aux caractéristiques des différentes disciplines sportives et ainsi d’accompagner les exigences d’un athlète.

Les possibilités d’utilisation des textiles innovants semblent multiples dans le domaine sportif. Un des exemples les plus marquants est celui des combinaisons de natation en polyuréthane, qui renforçaient la flottaison des nageurs, et ont mené à l’enregistrement nombreux records du monde avant d’être interdites en 2010. Plus récemment, la controversée chaussure de course Vaporfly de Nike, a permis au kenyan Eliud Kipchoge de finir un marathon en moins de 2 heures, démontrant la vitesse à laquelle se développent ces technologies.

Le monitoring n’est pas en reste, puisque les sportifs professionnels sont friands de données permettant d’analyser leurs performances. En 2019, le plus grand salon au monde consacré aux articles et vêtements de sport (ISPO) a décerné l’Award de l’innovation à la marque diPulse pour sa combinaison sportive connectée, munie de micro-capteurs à base de carbone. De son côté, UnderArmour a lancé la gamme Rush qui permettrait de  favoriser la récupération physique en « recyclant l’énergie de son corps ». Enfin, les trackers sportifs de MacLloyd ou STATSports récoltent, eux aussi, de multiples données qui seront analysées, participant à l’optimisation des performances des athlètes. Aujourd’hui, ces dispositifs de tracking se retrouvent dans la quasi totalité des sports professionnels, pour lesquels le Big Data est devenu un outil incontournable. En plus de permettre l’analyse des performances, les données obtenues réduisent les risques de blessures en offrant aux staffs médicaux une meilleure compréhension de l’état physique de leurs athlètes.

Face à ces évolutions technologiques rapides des équipements sportifs, les instances internationales se retrouvent à leur tour dans l’obligation d’évoluer, en se posant la question des règlementations à mettre en place pour conserver la « pureté athlétique ». Il en va alors de leur responsabilité de fixer la frontière entre assistance technique d’un matériel spécifique et dopage technologique.

 

Un secteur qui doit encore faire ses preuves

Si ces textiles intelligents voient leurs applications les plus poussées dans le monde professionnel, les industriels ont rapidement cherché à démocratiser leurs usages pour le sportif amateur, lui aussi à la quête d’une tenue alliant confort, sécurité et régularisation pour optimiser ses performances. Ainsi, dès 2015, Ralph Lauren, sponsor officiel de l’US Open, proposait à la commercialisation un polo connecté équipé de capteurs capables d’enregistrer les données biométriques des joueurs.

Cependant, malgré ses promesses nombreuses, la commercialisation de masse des vêtements intelligents présente encore de nombreux freins, notamment le prix et le lavage. Les batteries « classiques » ont par exemple la mauvaise habitude d’exploser quand elles passent au lave-linge. Enfin, la crainte d’effets néfastes liées à une surexposition aux ondes électromagnétiques n’est pas à négliger. Pour l’instant, les grands équipementiers du sport préfèrent ainsi rester sur le segment des objets connectés tels que les bracelets ou montres connectés, marché qui a déjà fait ses preuves.

Sur le plan juridique, ces textiles soulèvent de nombreuses questions, notamment par rapport à la propriété industrielle et à la protection des données personnelles. En particulier, les vêtements de monitoring récolteront énormément de données, qui devront être protégées en conformité avec le RGPD.

De manière plus générale, le grand public reste donc globalement dubitatif face au vêtement connecté. Une étude réalisée en 2017 par le cabinet Kamitis prédisait que le marché mondial des textiles intelligents devait atteindre 1,5 milliard d’euros en 2021. Une goutte d’eau par rapport à un marché mondial de l’habillement, ayant déjà allègrement dépassé la barre des 1 200 milliards de dollars. « C’est un marché de niche, mais on commence à en voir le potentiel et l’utilité », estime Lutz Walter, responsable recherche-développement et innovation chez Euratex.

Le textile de demain face aux enjeux environnementaux

Dans un contexte où l’industrie textile est le 5e émetteur de gaz à effet de serre au monde, le textile de demain pourrait être un tissu plus durable, recyclable et moins couteux en eau et en énergie. Les consommateurs, en particulier la jeune génération, sont ainsi de plus en plus exigeants sur la question du vêtement éthique, avec l’industrie de la mode dans le viseur.

Les textiles techniques, centrés sur les fonctionnalités et performances objectives, ont apporté une première réponse en offrant des alternatives aux matériaux traditionnels. Protection, performance sportive, hygiène et santé, métiers de construction, protection des cultures, process industriels… ses applications sont innombrables. En particulier, les textiles non-tissés se révèlent très intéressants face aux contraintes liées au développement durable. Les nouvelles normes dans l’habitation incitent par exemple à l’amélioration de l’isolation thermique et à la récupération des eaux de pluie. Grâce à leur forte capillarité, leur coût de revient et leur vitesse de production, les non-tissés apportent des atouts certains dans les domaines de la construction (isolation thermique et phonique), l’absorption des chocs (moins polluants et toxiques que les mousses polyuréthanes, grandement utilisés aujourd’hui) et la filtration (systèmes de drainage, filtres industriels, etc.). Aujourd’hui, ils représentent la plus grande partie des textiles fabriqués.

Un textile non-tissé est un textile dont les fibres sont disposées aléatoirement au moment de sa fabrication. Il s’agit d’une surface manufacturée, constituée de voile ou de nappe de fibres orientées directionellement ou au hasard, liées par friction, cohésion ou adhésion.

Plus récemment, les textiles connectés se sont à leur tour emparés des problématiques liées au développement durable. Dès 2014, l’artiste Storey, en collaboration avec le chimiste Tony Ryan, présentait sa robe Herself, prototype dans le cadre du projet CatClo (pour catalytuc clothing) qui visait à dépolluer l’air ambiant par nos vêtements. Du côté français, dans le cadre de la « Nouvelle France Industrielle » lancée en 2017, le plan « Textiles techniques et intelligents » a retenu plusieurs projets, dont Lightex, première usine dédiée aux smart textiles avec fibre optique lumineuse, et Autonotex, textiles connectés autonomes en énergie.

Les nouveaux textiles fonctionnels ou techniques | Idées ...

Herself, robe purificatrice d’air

Pour conclure…

Finalement, l’industrie du textile a énormément évolué avec les progrès techniques, que ce soit dans les process ou les matériaux utilisés. Les fibres synthétiques ont ouvert la voie à de nouvelles applications, dans des domaines très variés, ainsi qu’au développement de textiles intelligents, ou connectés. Bien que ces derniers présentent encore de nombreux obstacles avant d’être prêts à l’industrialisation grand public, ils offrent des potentialités nombreuses, notamment dans les secteurs du développement durable, de la santé et de la performance sportive. La digitalisation des usages multiplie les possibilités d’applications : les consommateurs sont friands d’informations en temps réel sur leur environnement. Le textile intelligent présente l’avantage d’être adaptable aux caractéristiques des différents secteurs d’activités, leurs propriétés spécifiques étant pensées et construites pour des usages bien précis. À l’heure de la sobriété numérique, il est cependant légitime de s’interroger sur la pertinence des vêtements connectés grand public. Ce débat éthique vis-à-vis des textiles innovants s’étend aussi au monde du sport, avec la question du dopage technique face aux performances affichées par les athlètes professionnels dotés d’un équipement spécifique.